Désinformation à grande échelle : Voici comment les activistes de l’AES ont tenté de faire basculer le Bénin dans le chaos informationnel

Le dimanche 7 décembre 2025 restera gravé dans l’histoire récente du Bénin comme le jour où le pays a fait face à une double menace : une tentative de putsch militaire et une vaste opération de désinformation orchestrée depuis l’étranger. Si les armes ont crépité à Cotonou, c’est sur les réseaux sociaux qu’une bataille informationnelle d’envergure s’est également jouée, révélant les nouvelles formes de guerre hybride qui menacent la stabilité des démocraties africaines.

Un coup d’État déjoué, mais une guerre informationnelle bien réelle

Lorsque les forces armées béninoises, soutenues par le Nigéria à travers la CEDEAO, ont déjoué la tentative de putsch menée par le lieutenant Tigri Pascal, les autorités pensaient peut-être avoir remporté la bataille. Mais sur le front numérique, une offensive d’une tout autre nature était déjà en cours. Des dizaines de comptes, pages et profils liés aux pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – Mali, Burkina Faso et Niger – se sont mobilisés pour faire croire au succès du coup d’État.

Ces opérations, techniquement désignées sous le terme FIMI (Foreign Information Manipulation and Interference), visent à manipuler la perception de la réalité par la diffusion massive de contenus faux ou fabriqués. Dans le cas béninois, l’objectif était clair : déstabiliser le régime de Patrice Talon en créant un sentiment de chaos et en légitimant les putschistes.

Les architectes de la manipulation

Le Camerounais Franklyn Nyamsi a suggéré sur ses réseaux que le président était en train d’être renversé, tandis qu’Ibrahima Maïga, activiste burkinabé installé aux États-Unis, promettait dès le matin un « direct » pour annoncer la chute du régime.

Ces influenceurs ont coordonné leurs publications pour créer un effet de saturation informationnelle. En quelques heures, des dizaines de posts affirmaient que le coup avait réussi, que la télévision nationale avait été prise et que le président était aux arrêts. Une stratégie bien rodée qui mise sur la rapidité de diffusion des réseaux sociaux et la difficulté pour le public de vérifier les informations en temps réel.

Les techniques de manipulation décryptées

L’analyse des contenus diffusés révèle plusieurs tactiques classiques de désinformation. Tout d’abord, l’utilisation d’images hors contexte pour créer une illusion de soutien populaire. Des photos d’une manifestation de janvier 2018 à Cotonou ont été recyclées pour faire croire à un rassemblement massif en faveur des putschistes. L’organisation de vérification des faits Badona a rapidement débusqué cette manipulation.

Ensuite, la diffusion d’accusations non prouvées d’ingérence étrangère, notamment française. Un post affirmait que Nicolas Lerner, chef de la DGSE, aurait ordonné une intervention militaire française pour restaurer Patrice Talon. Cette rhétorique anti-française, devenue un leitmotiv des juntes sahéliennes, sert à la fois à discréditer les autorités légitimes et à justifier les prises de pouvoir par la force.

Des contenus générés par intelligence artificielle ont également été repérés, témoignant de la sophistication croissante de ces campagnes de manipulation. Les cyberactivistes n’ont pas hésité non plus à attaquer directement les médias crédibles et les fact-checkers pour saper la confiance du public envers les sources fiables d’information.

Une guerre des cerveaux

« Ce que le Bénin a fait et a subi en ligne aujourd’hui est une guerre informationnelle. Nos cerveaux sont le champ de guerre », a témoigné Mylène Flicka, une entrepreneure béninoise active sur les réseaux sociaux. Cette formule résume parfaitement la nature du conflit contemporain : au-delà des armes conventionnelles, ce sont les perceptions et les croyances qui sont devenues le terrain de bataille privilégié.

Face à cette avalanche de fausses informations, certains médias ont dû désactiver temporairement les commentaires sous leurs publications pour éviter que leur espace ne soit utilisé comme vecteur de désinformation. Une mesure qui illustre la difficulté pour les acteurs de l’information crédible de maintenir un dialogue ouvert tout en protégeant leurs audiences.

Les réponses nécessaires

Face à cette menace informationnelle, une mobilisation collective s’impose. Les autorités doivent garantir la disponibilité rapide d’informations officielles et protéger l’indépendance des médias. Les fonctionnaires doivent se sentir libres de communiquer des données factuelles sans crainte de représailles.

Pour les citoyens, la règle d’or est simple : ne pas relayer systématiquement les contenus trouvés sur les réseaux sociaux sans vérification. Sans relayeurs, les désinformateurs perdent leur impact. Il est crucial de s’informer auprès de médias crédibles et d’apprendre à distinguer les faits des opinions.

Les plateformes comme Meta ont également leur part de responsabilité. Elles doivent intensifier leurs efforts de modération pour limiter la portée des fausses informations, particulièrement dans les contextes de crise politique.

Quant aux médias, ils doivent regagner la confiance du public par un journalisme rigoureux, fondé sur la vérification systématique des faits. La course aux clics ne doit pas les transformer en amplificateurs involontaires de la désinformation.

Un enjeu démocratique majeur

L’épisode béninois du 7 décembre 2025 illustre une réalité inquiétante : les tentatives de déstabilisation des régimes africains ne se limitent plus aux seuls coups de force militaires. Elles s’accompagnent désormais d’opérations sophistiquées de manipulation informationnelle, orchestrées depuis l’étranger et relayées par des réseaux d’influence bien organisés.

Cette guerre hybride, qui combine menace physique et manipulation cognitive, représente un défi majeur pour les démocraties africaines. Elle exige une réponse tout aussi hybride : vigilance citoyenne, responsabilité des plateformes, professionnalisme des médias et transparence des autorités.

Dans un continent où les réseaux sociaux sont devenus le principal vecteur d’information pour des millions de personnes, la bataille pour l’information crédible est devenue un enjeu de souveraineté et de stabilité démocratique. Le Bénin vient de nous rappeler que dans les conflits modernes, la première victime n’est plus seulement la vérité, mais notre capacité collective à la distinguer du mensonge.

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