Les Démocrates face au piège du parrainage : la mouvance pourrait recruter parmi les 33 candidats recalés

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Au parti Les Démocrates, 34 candidatures ont été enregistrées pour la présidentielle de 2026. Parmi les noms évoqués figurent Daniel Edah, Éric Houndété, Nouroudine Saka Saley, Nathanaël Kitti, Nourénou Atchadé, Elvis Abou, Éric Adja, Me Renaud Agbodjo, Moïse Kérékou, Kamel Ouassagari, Naomi Azaria, Bio Sawé, Ganiou Soglo, Guy Mitokpè, Valentin Agon, et bien d’autres. Mais l’arithmétique est implacable : un seul duo sera désigné, laissant 33 candidats sur le carreau. C’est précisément dans ce vivier de frustrations que se niche le danger le plus sournois pour l’opposition béninoise.

L’arme fatale de la majorité : le parrainage excédentaire

L’analyse révèle une faille stratégique majeure dans la posture de l’opposition. La majorité présidentielle, même après avoir accordé le parrainage au duo FCBE de Paul Hounkpè, dispose encore de suffisamment d’élus pour parrainer au moins deux duos supplémentaires. Cette capacité de parrainage excédentaire constitue une arme politique redoutable que la mouvance au pouvoir pourrait dégainer au moment opportun.

Le scénario est simple mais dévastateur : parmi les 33 candidats recalés chez Les Démocrates, il suffit qu’un seul accepte le parrainage de la mouvance pour créer une division fatale. Ce candidat « surprise », présenté comme indépendant ou dissident, ne serait en réalité qu’un instrument destiné à fragmenter le vote de l’opposition et à semer la confusion dans ses rangs.

Contrairement à 2021 où Les Démocrates avaient été purement et simplement écartés de la course faute de parrainage, la situation de 2026 est encore plus perverse. Le parti aura certes son candidat officiel en lice, mais celui-ci pourrait se retrouver en concurrence avec un ou plusieurs « transfuges » issus de ses propres rangs, bénéficiant du parrainage stratégique de la majorité présidentielle.

Le précédent de 2021 : un avertissement ignoré ?

En 2021, la candidature du duo Corentin Kouhoué-Iréné Agossa avait été perçue, à tort ou à raison, comme un cheval de Troie. Cette suspicion n’était pas née du hasard : dans un système où le parrainage est verrouillé par la majorité, l’apparition surprise d’un candidat avec les parrainages nécessaires soulève légitimement des questions sur les véritables commanditaires de cette candidature.

Trois ans plus tard, les mêmes causes pourraient produire les mêmes effets, mais avec une efficacité décuplée. La différence fondamentale est que cette fois, Les Démocrates auront généré eux-mêmes le réservoir de candidats potentiels pour cette opération de division. En organisant un processus interne ouvert avec 34 candidatures, le parti a involontairement créé les conditions de sa propre fragmentation.

La psychologie du candidat recalé : entre amertume et opportunisme

Pour comprendre la viabilité de ce scénario, il faut se placer dans la peau d’un candidat recalé. Après des mois de préparation, d’investissement financier, de mobilisation militante, se voir écarté au profit d’un rival interne génère inévitablement frustration et amertume. Certains estimeront avoir été injustement écartés, d’autres nourriront du ressentiment envers les instances du parti, d’autres encore considéreront que leur légitimité égale ou dépasse celle du candidat désigné.

C’est dans ce terreau psychologique que la mouvance au pouvoir peut opérer. L’approche serait discrète mais efficace : identifier les profils les plus ambitieux, les plus aigris ou les plus opportunistes. Leur faire miroiter une opportunité historique de se présenter à la présidentielle, avec l’assurance du parrainage nécessaire. Leur fournir les ressources pour une campagne crédible. Le tout enveloppé dans un discours sur « l’indépendance », la « diversité de l’offre politique » ou la « liberté de candidature ».

Pour un candidat convaincu de sa légitimité et rongé par la frustration, la tentation peut être irrésistible. Après tout, pourquoi renoncer à ses ambitions présidentielles simplement parce qu’une commission interne du parti en a décidé autrement ? Pourquoi soutenir un rival que l’on estime moins compétent ou moins légitime que soi-même ?

Le calcul mathématique de la division

La beauté diabolique de cette stratégie réside dans sa simplicité mathématique. La majorité présidentielle n’a pas besoin que le candidat « infiltré » obtienne un score élevé. Elle n’a pas besoin qu’il gagne. Elle a simplement besoin qu’il existe et qu’il capte une portion du vote anti-majorité.

Imaginons que le candidat officiel des Démocrates soit en mesure de mobiliser 25% de l’électorat. Si un candidat « dissident » issu du même parti parvient à capter ne serait-ce que 5 à 8% de cet électorat – souvent les militants les plus proches du candidat recalé, ceux qui estimaient qu’il aurait dû être désigné – le candidat officiel se retrouve à 17-20%, potentiellement éliminé du second tour.

Le duo Wadagni-Talata n’a même pas besoin de battre l’opposition frontalement. Il lui suffit de veiller à ce que l’opposition se batte contre elle-même. C’est le principe du « diviser pour régner » appliqué avec une précision chirurgicale au système de parrainage béninois.

L’infiltration préméditée : le cheval de Troie dormant

L’analyse peut aller encore plus loin. Et si certains des 34 candidats s’étaient inscrits dès le départ avec l’intention de servir cette stratégie de division ? Cette hypothèse d’infiltration préventive, bien que difficile à prouver, n’est pas déraisonnable dans un contexte politique où les enjeux sont considérables.

Un agent infiltré pourrait mener une campagne interne suffisamment crédible pour se construire une base militante, participer aux débats pour se faire connaître, tout en maintenant des canaux discrets avec la mouvance. Une fois recalé – ce qui était l’issue prévisible dès le départ – il disposerait de la légitimité, de la visibilité et de la base militante acquises lors du processus interne pour justifier une candidature « indépendante ».

Son discours serait rodé : « J’ai été injustement écarté par les instances du parti, mais je reste fidèle à mes convictions et à mes soutiens. Je me présente donc en candidat indépendant pour offrir aux Béninois le véritable changement que l’establishment politique leur refuse. » Un discours séduisant, porteur d’une apparente légitimité démocratique, mais qui servirait objectivement les intérêts de la majorité présidentielle.

Les signaux d’alerte à surveiller

Plusieurs indicateurs permettraient d’identifier un potentiel cheval de Troie parmi les candidats recalés :

L’obtention « miraculeuse » du parrainage : Si un candidat recalé par Les Démocrates parvient soudainement à rassembler les parrainages nécessaires quelques semaines après son éviction interne, la question de l’origine de ces parrainages se posera avec acuité. Dans le système actuel, obtenir des parrainages sans l’accord tacite de la majorité relève de l’exploit.

Un financement de campagne disproportionné : Un candidat qui disposait de moyens limités lors de la campagne interne, mais qui déploie soudainement des ressources considérables pour sa campagne « indépendante », révèle probablement l’existence de nouveaux soutiens financiers.

Un discours ambigu sur la majorité : Un véritable opposant, même en rupture avec son parti, maintient une ligne claire de critique de la majorité présidentielle. Un cheval de Troie, en revanche, concentrera ses attaques sur le candidat officiel de l’opposition tout en restant étonnamment mesuré, voire bienveillant, envers la mouvance au pouvoir.

Le timing de l’annonce : Une déclaration de candidature intervenant au moment stratégiquement le plus dommageable pour l’opposition – par exemple, juste après le lancement de la campagne du candidat officiel – trahirait une coordination externe.

Les conséquences en cascade d’une telle manœuvre

L’impact d’un cheval de Troie dépasse largement la simple question électorale. Cette stratégie engendrerait des dommages multiples et durables pour l’opposition :

La fragmentation du vote : L’effet le plus immédiat et mesurable. Chaque voix captée par le candidat « dissident » est une voix perdue pour le candidat officiel, réduisant ses chances de qualification au second tour.

La confusion de l’électorat : Les électeurs de l’opposition se retrouveraient face à plusieurs candidats prétendant incarner le changement, tous issus du même parti. Cette situation brouille les lignes, dilue le message et affaiblit la clarté de l’alternative proposée à la majorité.

Les divisions internes permanentes : Une candidature « dissidente » créerait des fractures durables au sein des Démocrates. Les accusations de trahison voleraient, les camps se formeraient, les règlements de compte se multiplieraient, minant la cohésion du parti bien au-delà de l’échéance électorale de 2026.

La décrédibilisation du parti : L’incapacité à maintenir l’unité après la désignation interne serait interprétée comme un signe de faiblesse organisationnelle et de manque de discipline politique. Les électeurs pourraient légitimement se demander comment un parti incapable de gérer ses propres processus internes pourrait prétendre gouverner le pays.

La démobilisation militante : Face à une opposition divisée, déchirée par les querelles internes et apparemment incapable de présenter un front uni, de nombreux militants et sympathisants pourraient tomber dans la désillusion et l’abstention.

Le message est clair pour les 34 candidats des Démocrates : leur première responsabilité n’est pas de gagner la primaire interne, mais de garantir que, quelle que soit l’issue de cette primaire, l’opposition présentera un front uni face à la majorité. Tout le reste est secondaire. Car dans ce jeu d’échecs politique, la majorité présidentielle a déjà plusieurs coups d’avance. L’opposition n’a plus droit à l’erreur.

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