Ministre d’État chargé de l’Économie et des Finances depuis 2016, Romuald Wadagni vient d’être officiellement désigné candidat de la mouvance présidentielle pour succéder à Patrice Talon en 2026. Portrait d’un technocrate devenu l’héritier politique du régime de la « Rupture ».
Un parcours d’excellence internationale
Né le 20 juin 1976 à Lokossa, dans le département du Mono, Romuald Wadagni incarne parfaitement la nouvelle génération de dirigeants africains formés à l’international. Fils de Nestor Wadagni, statisticien et économiste diplômé de l’ENSAE, il grandit dans un environnement qui valorise l’excellence académique et le service public.
Après avoir décroché son baccalauréat scientifique au Bénin, le jeune homme s’envole pour la France où il intègre l’École supérieure des affaires de Grenoble (ESA). Il y obtient un Master en Finances en 1999, terminant major de sa promotion. C’est durant ses études grenobloises qu’il rencontre un associé du prestigieux cabinet Deloitte, rencontre qui orientera définitivement sa carrière professionnelle.
Dix-sept années chez Deloitte : une carrière fulgurante
L’ascension de Romuald Wadagni chez Deloitte relève de l’exemplaire. Recruté dès 1998, il débute sa carrière au bureau de Lyon où il gravit rapidement les échelons pour devenir superviseur en quatre ans seulement.
En 2003, armé de son diplôme d’U.S. Certified Public Accountant, il traverse l’Atlantique pour rejoindre le bureau de Deloitte à Boston en tant qu’Audit Manager. Pendant trois années américaines, il affine son expertise en travaillant pour des multinationales comme Orange et en participant à des opérations de fusion-acquisition complexes. Sa soif d’apprentissage le conduit également à suivre une formation à la Harvard Business School en 2007, où il décroche un diplôme en capital investissement et capital risque.
L’année 2012 marque un tournant décisif : à seulement 36 ans, Romuald Wadagni devient associé du cabinet Deloitte, établissant un record comme le plus jeune associé de l’histoire du groupe. Cette promotion exceptionnelle récompense son expertise technique, son réseau international et son profil multiculturel unique, maîtrisant parfaitement les systèmes comptables américains et français.
Sa mission suivante l’amène en Afrique centrale, où il structure les activités de Deloitte dans une zone couvrant dix pays, de la Côte d’Ivoire au Maroc. C’est lui qui ouvre en 2012 les bureaux de Kinshasa et Lubumbashi en République démocratique du Congo, s’imposant comme le directeur de l’expertise pour l’ensemble du continent africain francophone.
En 2015, jamais rassasié de connaissances, il retourne à Harvard pour décrocher un MBA, parachevant ainsi une formation d’élite qui fera de lui l’un des experts comptables et financiers les plus qualifiés du continent africain.
L’entrée en politique : un choix de rupture
Avril 2016 constitue le basculement de la carrière de Wadagni. Patrice Talon, fraîchement élu président de la République, le nomme ministre de l’Économie et des Finances, remplaçant Komi Koutché. Ce choix audacieux d’un technocrate sans expérience politique directe illustre la volonté du nouveau régime de rompre avec les pratiques anciennes.
Le défi est immense : le Bénin traverse alors une crise financière majeure, avec une dette publique préoccupante et une crédibilité internationale écornée. Wadagni fait de l’assainissement des finances publiques sa priorité absolue, appliquant une politique rigoureuse de gestion proactive de la dette.
Un bilan économique remarquable
Les résultats ne tardent pas à se manifester. Sous la houlette de Wadagni, le Bénin retrouve progressivement sa crédibilité auprès des bailleurs internationaux. Cette crédibilité restaurée permet au pays d’emprunter à des conditions plus favorables que ses voisins régionaux, y compris la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
Des innovations financières historiques
L’action de Wadagni se distingue par plusieurs premières historiques pour le Bénin :
Octobre 2018 : Première émission d’obligations internationales du pays sur les marchés européens, pour un montant de 260 millions d’euros.
Janvier 2021 : Émission record de deux eurobonds totalisant 1 milliard d’euros, dont un sur 31 ans (un record pour un pays émergent en euros).
Juillet 2021 : Le Bénin devient le premier pays africain à émettre un eurobond dédié aux Objectifs de développement durable, levant 500 millions d’euros à 4,9%.
Ces opérations financières sophistiquées, fruit de nombreux voyages de Wadagni auprès d’investisseurs en Asie, Europe et Amérique, positionnent le Bénin comme un élève modèle de la gestion macroéconomique africaine.
Une performance économique reconnue internationalement
La pandémie de Covid-19 constitue un test grandeur nature pour la gestion économique de Wadagni. Le Bénin fait alors preuve d’une résilience remarquable, affichant un taux de croissance de 3,8% en 2020, l’un des trois meilleurs d’Afrique subsaharienne, suivi d’un rebond à 7,2% en 2021.
Cette performance vaut au pays une amélioration de sa notation par Moody’s en mars 2021 (passage de B2 à B1), confirmée par Fitch Ratings qui maintient le B+ avec perspective stable. En avril 2024, Standard & Poor’s rehausse même la note à « BB-« , plaçant le Bénin parmi les pays les mieux notés d’Afrique subsaharienne.
L’élargissement des responsabilités
Début 2023, reconnaissant l’excellence de son ministre, Patrice Talon élargit le périmètre de Wadagni à la coopération internationale et aux questions de défense, notamment pour la sécurisation du nord du pays face aux menaces sécuritaires régionales.
Cette extension de responsabilités témoigne de la confiance totale du président Talon envers son ministre, qui devient progressivement l’un des piliers du régime de la « Rupture ».
Transparence et reconnaissance internationale
Sous l’impulsion de Wadagni, le Bénin opère une révolution en matière de transparence budgétaire. L’Enquête sur le Budget Ouvert de 2023 classe le pays au premier rang francophone et au second rang continental avec un score de 79/100, soit un doublement par rapport à 2017.
En octobre 2023, le Bénin atteint la 8ème place mondiale et la première africaine dans l’indice de transparence des dépenses fiscales, consécrant l’œuvre de modernisation de la gestion publique menée par Wadagni.
La désignation officielle : l’aboutissement d’une ascension
Dès 2022, le nom de Romuald Wadagni circulait déjà dans les cercles politiques comme potentiel successeur de Patrice Talon. La désignation officielle qui vient d’intervenir marque l’aboutissement de ce processus et confirme la transmission organisée du pouvoir au sein de la mouvance présidentielle.
Cette désignation n’est pas fortuite. Le profil de Wadagni présente tous les atouts nécessaires pour porter l’héritage du régime Talon :
- L’âge : À 49 ans en 2026, il incarne le renouveau générationnel tout en ayant la maturité nécessaire
- La compétence : Son bilan économique exceptionnel constitue sa meilleure carte de visite
- L’expérience gouvernementale : Dix années au plus haut niveau de l’État, avec des responsabilités élargies
- La crédibilité internationale : Reconnu et respecté par les institutions financières mondiales
- Le profil technique : Dans un contexte où l’expertise prime sur la démagogie
Interrogé sur ses ambitions présidentielles en juin 2022, Wadagni avait prudemment déclaré qu’il serait « indécent » de penser à 2026 alors que Patrice Talon était encore en fonction. Cette réserve, typique de son style, masquait déjà une préparation méthodique à cette échéance majeure.
Le candidat de la continuité
Avec cette désignation officielle, l’Union Progressiste (UP) et ses alliés du Bloc Républicain (BR) confirment leur stratégie de continuité. Le choix de Wadagni s’inscrit dans la logique de consolidation des acquis du régime Talon, tout en apportant une vision renouvelée pour l’avenir.
Le soutien de Patrice Talon, qui l’a maintenu à son poste depuis 2016 et lui a confié des responsabilités élargies, trouve aujourd’hui sa traduction politique. Cette transmission organisée du pouvoir témoigne de la maturité institutionnelle du Bénin moderne.
L’alliance UP-BR autour de cette candidature renforce la cohésion de la mouvance présidentielle face à une opposition qui peine encore à s’organiser efficacement après les réformes du système politique béninois.
Cette désignation place également Wadagni dans une position privilégiée face à ses potentiels concurrents, lui donnant une longueur d’avance considérable dans la course à la présidence.
Les défis du candidat officiel
Malgré ses atouts indéniables et sa désignation officielle, Romuald Wadagni devra relever plusieurs défis cruciaux pour remporter la présidentielle de 2026 :
La transition du technique au politique : Exceller en tant que ministre technocrate ne garantit pas automatiquement le succès électoral. Il devra démontrer ses capacités de mobilisation populaire et de communication politique directe avec les citoyens béninois.
L’héritage à double tranchant du régime Talon : Candidat désigné de la continuité, il devra assumer les réalisations mais aussi les aspects controversés de la politique de son prédécesseur, tout en proposant sa propre vision pour l’avenir du Bénin.
La concurrence renforcée de l’opposition : Face à des candidats d’opposition expérimentés et motivés par l’alternance, il devra construire son propre leadership politique et élargir sa base électorale au-delà des cercles technocratiques.
Les attentes économiques démesurées : Son succès passé en tant que ministre des Finances créé des attentes très élevées qu’il devra maintenir dans un contexte international plus complexe et incertain.
Un homme discret aux convictions affirmées
Au-delà du technocrate, Romuald Wadagni révèle progressivement ses convictions. Père de deux enfants, gardant un pied-à-terre à Paris, il incarne une génération de dirigeants africains ouverts sur le monde tout en étant enracinés dans leur continent.
Sa gestion de la crise économique post-Covid, ses innovations en matière de finance verte (notamment le plan climat présenté à la COP 29 de Bakou en novembre 2024), et sa vision du développement durable témoignent d’une approche moderne des défis africains.
Reconnu à plusieurs reprises comme « meilleur ministre africain de l’Économie et des Finances » par le journal Financial Afrik (notamment en 2021 et 2024), Wadagni jouit d’une reconnaissance qui dépasse les frontières béninoises.
2026 : l’heure de vérité pour l’héritier désigné
Avec sa désignation officielle, le Bénin entre définitivement dans une nouvelle ère. La page Talon se prépare à se tourner, et Romuald Wadagni apparaît désormais comme l’homme chargé d’écrire le nouveau chapitre de l’histoire politique béninoise.
Technocrate accompli, gestionnaire rigoureux, négociateur habile sur la scène internationale, il possède incontestablement les qualités techniques requises pour diriger un pays en pleine transformation. Sa désignation officielle lui confère également la légitimité politique nécessaire pour porter les couleurs de la mouvance présidentielle.
Le défi qui l’attend est immense : réussir la transformation du ministre technicien en leader politique capable de rassembler au-delà de sa base traditionnelle et d’inspirer l’ensemble des Béninois. Cette capacité d’adaptation, il l’a déjà démontrée une fois en passant des bureaux feutrés de Deloitte international aux enjeux complexes de la gouvernance africaine.
La campagne présidentielle de 2026 constituera le test ultime pour celui qui aura porté, pendant une décennie entière, les espoirs de redressement économique du Bénin. Un défi final à la hauteur d’un parcours déjà exceptionnel, pour un homme qui incarne aujourd’hui l’avenir politique du pays de Mathieu Kérékou et Nicéphore Soglo.
L’histoire retiendra que c’est un fils de Lokossa, formé dans les meilleures universités internationales et aguerri aux réalités des marchés financiers mondiaux, qui aura été choisi pour conduire le Bénin vers son prochain horizon de développement. Une responsabilité historique pour Romuald Wadagni, désormais officiellement dans la course pour la présidence de la République.
